Histoire ☽

« Dans le souffle cuisant de l'hiver sommeillant,
Sous la lumière fanée, muet est le vent.
Noyées par le silence, les étoiles se meurent.
La terre, solide et fière, demeure.

À l'aube du pâle printemps éclairant les rivages,
La Lune, timide, n'est plus qu'un doux mirage.
Vestige oublié, la source s'est tarie,
La terre, brillante et sage, survit.

Dans la moite chaleur de l'été qui défile,
Résignée, essoufflée, la flamme vacille.
Il n'y a nul espoir que brille le soleil,
La terre, farouche, ne connait le sommeil.

À l'automne de ce monde, dans les Nuits éternelles,
S'efface dans l'éther les pas des Sentinelles.
Ils ont posés les armes, ils ont renoncé.
L'Ombre dévore les vaincus déroutés.
Mais le cor de la Terre joue toujours sa musique,
Debout, guerrier, Caevin jamais n'abdique. »

Ces quelques vers, vieille rengaine, sont les uniques mots prononcés sur Caevin. L'histoire du royaume de la Terre ne s'écrit pas, elle se ressent, elle se vit et se transmet dans les gestes et  dans les actes.
Seuls quelques glorieux épisodes sont piégés dans la roche, sous les montagnes. Les grottes et les mines des gorges volcanique, la vallée des Anciens, renferment cette mémoire de Caevin. Des mètres de récit, figurés, sculptés dans la pierre comme une vaste fresque ; l'œuvre des premiers mineurs, les Dompteurs des Profondeurs.

Né de l'isolement des Premiers-Nés de la Terre, installés dans la forêt de Taurënan, les Montagnes de Soufre et les gorges volcaniques, Caevin est le plus jeune des royaumes libres.
S'il s'affirme aujourd'hui comme un puissant territoire, à l'identité bien marquée, cette indocilité et ce sentiment séparatiste sont en réalité les fruits d'une longue maturation, assujettie aux effets du temps, aux éclats des caractères, et à la mutation, progressive mais durable, de l'esprit des hommes de la Terre.

À l'origine, le peuple de la Terre, bien que repoussé aux frontières du monde connu, entretenait un solide lien avec les autres Premiers-Nés. Ils avaient choisi les espaces sauvages de l'Est car le sol y était encore pur et indompté, et la force de Terre résonnait comme une énergie brute, qui vibrait dans le cœur de ses adorateurs.
Ces Premiers-Nés arpentaient ces régions, en quête des trésors d'Emnil, la Terre-Mère, et de cette énergie, qu'ils appelaient Bellais. Ils habitaient la Maître-Forêt de Taurënan, où il fondèrent la Premières des Cités, Lebethrin. Le peuple de la Terre n'aspirait alors à rien d'autre qu'une vie de quiétude, nichés dans les bois, où il pouvait honorer Emnil et recevoir avec humilité les trésors qu'elle leur offrait. Ils ne produisaient rien, n'exploitait aucun seul et vivaient les uns avec les autres, sans qu'aucun homme ou aucune femme ne prétend à concentrer un pouvoir de décision. Ils n'avaient pas besoin de guide, Emnil et Bellais leur montrait le chemin.  

C'est lorsque Gil-Elin acquis son indépendance que la situation évolua. Jusqu'alors, Caevin recevait ressources et provisions de la part des Premiers-Nés, concentrés à l'Ouest, où le sol, apprivoisé et cultivé, était plus fertile et moins élémentaire.
Le tampon que constituait Gil-Elin, qui agissait comme un filtre pour l'approvisionnement de Caevin, fut lourd de conséquence.
Loin de ses bienfaiteurs, le peuple de la Terre, démunis, dut s'adapter. Caevin entra dans une nouvelle ère de son histoire, que la mémoire collective retient sous le nom de Wirnë, le Changement, mais que certains appellent également Cuivë, le Réveil ou Lantë, la Chute, puisque aucun texte ne figent dans le papier, le grand récit de Caevin.

Nombre des habitants de Lebethrin quittèrent la forêt pour peupler d'autres régions de Caevin. Ils commencèrent à labourer le sol et à exploiter les ressources d'Emnil, qu'ils célébraient d'une manière moins innocente, et plus superstitieuse. La Vallée des Anciens fendit les immaculées gorges, montagnes et plaines : la terre jusqu'alors vierge devient le territoire des hommes.
De nouvelles villes virent le jour. Parmi elle, Eglayr s'imposa comme un nouveau centre névralgique, où se réunissaient les confréries de Mineurs qui s'organisaient petit à petit. De là, ils écoulaient les produits de leurs exploitations, mais également de leurs fabrications, puisque dans les salles souterraines de la Vallée des Anciens, ils construisirent d'immenses forges où ils battaient le fer pour façonner d'abord des bijoux et du mobilier, puis des armes et des boucliers.
Les pacifistes Premiers-Nés qui murmuraient sereinement des prières en l'honneur d'Emnil et de Bellais étaient devenus des mineurs, des forgerons, des marchands, et bientôt, des guerriers.

D'aucuns ignorent si cela est la terrible conséquence de la chaleur des fours, de l'obscurité des profondes mines ou de l'imperceptible menace de l'Ombre libérée par le Sorcier, mais le cœur du Peuple de Caevin s'assombrit.
Ils commencèrent à devenir méfiants, suspicieux et vindicatifs à l'égard des peuples voisins. Ceux qui dans leur esprit étaient toujours apparu comme des amis semblèrent devenir de dangereux ennemis.
Les Confréries de Mineurs, qui gouvernaient et organisaient collégialement l'État de Caevin, décidèrent de former une armée, divisée en bastions, envoyées aux différentes marges du territoire, pour surveiller les frontières. L'une d'entre elle s'installa dans la tour de Tirith, remplaçant les deux Sentinelles qui se relayaient depuis plusieurs générations pour veiller sur le Passage Sombre, et cette porte inconnu sur laquelle il ouvrait.
La garnison de Tirith transforma la vieille tour en une véritable forteresse, la forteresse de la Marche. Les soldats qui y logeaient étaient un peu différents de leur homologue. Une grande réputation les précédaient, si bien que l'orgueil grandit en eux avec la même célérité que la Nuit qui les entouraient, de plus en plus opaque.

Cette nuit, cette Ombre, telles étaient les véritables détractrices de Caevin. Les Confréries des Mineurs, focalisées sur les autres royaumes, minimisèrent l'influence du Sorcier et les effets de sa trahison.
Seuls les soldats de la Marche, les premiers à être exposés aux maléfices de l'Ombre mesurèrent le mortel péril que cette pernicieuse obscurité représentait. Ils mirent en garde leurs dirigeants, sans résultat.
En proie aux doutes devant le laxisme des Mineurs, Arod, le jeune capitaine de la Marche prit une radicale décision. Réunissant ses cavaliers, trouvant appui auprès de deux autres bastions, également situés dans le sud, ils renversèrent les Confréries et revendiquèrent l'autorité.
Bien des femmes et des hommes périrent au cours de ce coup d'État. Le peuple de la Terre avait oublié la valeur des vies et le sang versé n'apparaissait pour eux comme une pluie de plus pour arroser le sol desséché de la terre. Leur cœur semblait s'être transformé en enclume contre laquelle se heurtait le marteau de leur colère.

Les soldats de la Marche parvinrent finalement à s'imposer : dans la torpeur des affrontements, ils acclamèrent Arod comme leur nouveau chef, et rapidement, le jeune capitaine prit le titre de roi. Une couronne, forgée avec l'eren, le plus précieux des métaux, et incrusté des gemmes les plus pures, fut confiée à Arod, comme gage de son autorité. Cette couronne, que le peuple de Caevin nomme Aran-Turë, la Reine Victorieuse, demeure aujourd'hui le trésor du roi.
Mais Arod ne souhaitait pas le pouvoir par simple désir de commander. Le nouveau souverain percevait un danger : la menace de la guerre grandissait dans l'Ombre et il devait préparer son royaume à une telle éventualité.
Pendant vingt ans, il œuvra pour assurer le salut de son peuple, en attendant qu'éclate le conflit.

Réquisitionnant hommes et femmes, Arod fit bâtir une nouvelle citadelle, Rhûid, aux pieds du volcan, qu'il proclama comme cité capitale. La dureté des courbes de cette ville, imprenable, matérialisait son désir de se montrer plus incisif, plus proche de son adversaire, mais aussi de tirer le meilleur parti de son territoire, en bénéficiant de la protection naturelle que présentaient les pics de basalte.
Des années durant, tous les jeunes garçons furent envoyés en camp militaire pour apprendre à manier l'épée et monter à cheval, tandis qu'on confia aux femmes la gestion des cultures et des forges. Dans les mines de la Vallée des Anciens, elles frappèrent de armes, fortes, résistantes, d'une qualité impeccable. Elles y mettaient une application particulière, conscientes que le moment venu, ces morceaux de fer seraient l'unique défense de leurs fils, de leurs frères, de leurs époux et de leurs amis, lorsque sonneraient le tocsin de la guerre.

La radicale préparation de Caevin explique probablement pourquoi le royaume souffrit de moins de pertes que ses voisins. Mais la lutte contre l'Ombre laissa néanmoins des stigmates. Les horreurs des combats marquèrent durablement les esprits de soldats qui avaient parcourus les champs de bataille, et le cœur déjà peu tendre du peuple de la Terre, finit de se durcir comme la lave après une éruption.
Au terme de la Grande Guerre, le pouvoir d'Arod et de ses descendants se renforça.
Bien que jeune, la royauté de Caevin était solide. La mort prématurée du roi n'ébranla pas cette stabilité. Son fils aîné, Otso, qui avait combattu avec son frère cadet, Gwion, aux cotés de leur père, prit la succession.
Épaulé par Gwion, Otso s'attacha à reconstruire le royaume et à réaffirmer sa position géopolitique. Persuadé que si son père avait été mieux écouté par les autres contrées, la guerre aurait pu être moins catastrophique, il multiplia les alliances.
Mais Otso était malade. Une malade de l'esprit, qui le rongeait depuis son enfance. Le départ pour Ithilien de son frère Gwion, avec lequel il entretenait une étroite relation, le décès de sa seconde épouse et le terrible constat du caractère peu commode de son jeune fils, Rhavan, aggravèrent son état. Atteint de dépression, Otso s'abandonna à la maladie.
Il abdiqua en faveur de Rhavan, qui n'avait alors que vingt ans, en espérant que la nature autoritaire et haineuse du nouveau roi s'atténuerait avec l'âge et l'expression.
Les espoirs d'Otso étaient vain.

Le poids de la couronne, la fièvre du pouvoir dévorèrent le cœur de Rhavan, qui malgré son jeune âge, arborait le costume de roi avec étrange aisance.
Souverain inflexible, parfois tyrannique, Rhavan nourrissait cet orgueil qui habitait l'âme des hommes de la Marche depuis bien des années. À ses yeux, Caevin était le garde-fou face au Passage Sombre, la dernière frontière entre le monde connu et inconnu, et à ce titre, il méritait plus de respect de la part des autres royaumes.
Au grand dam de son père, dont les moments de lucidité se faisait de plus en plus rare, il tenta d'imposer un tribut aux peuples libres, mais se heurta à de violentes oppositions. Pour éviter une nouvelle guerre fratricide parmi les royaumes, il renonça.
Mais il n'avait pas dit son dernier mot. Il savait que le peuple de Caevin le soutenait. Le peuple de Caevin le soutenait. Les hommes de la Terre aimait ce souverain, fier, provocateur, qui apparaissaient autant comme un chef de guerre qu'un fin stratège.
Pendant cinq ans, Rhavan fit profil bas. Il préparait sa contre-attaque. Tapi dans l'ombre, il attendait. La mort d'Otso lui permit de jouer son premier pion : il offrit sa sœur Faewen au roi Lugh de Gil-Elin. Il battit sa deuxième carte en bannissant du royaume son cousin Galaad.
Aujourd'hui, il continue à mettre en place sa stratégie, une stratégie destiné à faire de Caevin le plus puissant de royaume. Le héraut de ce monde.
Car après tout, n'est-ce pas ce que cette vieille rengaine affirme « Debout, guerrier, Caevin jamais n'abdique ».

Géographie ☽

Caevin, le royaume sans horizon. Aux confins orientaux du monde, le territoire de Peuple de la Terre est coincé entre un Nord sauvage, un Sud volcanique et un Est ténébreux. Seul l'Ouest et la quiétude de son fleuve offre une porte de sortie vers des contrées moins hostiles, et pourtant bien plus périlleuses, dans l'esprit des Hommes de l'est.
Ce sol aride, ce domaine forestier, ces tranchants pics volcaniques, le peuple de Caevin a appris à les dompter. Plus que tous les autres, il aime et chérit sa terre, comme le plus précieux des trésors.

Géographiquement, Caevin reste un petit royaume. Les cités y sont concentrées, et muni d'une puissante monture de la plaine d'Eglayr, il se traverse en trois à quatre jours. La principale route est marquée par la Trouée de Durhan, vaste plaine aux hautes herbes émeraudes, qui fend le territoire d'ouest en est.
La région septentrionale à la Trouée est dominée par la Maître-Forêt, Taurënan, qui borde le lac d'Ereb et abrite la mythique ville de Lebethrin, la Première des Cités, là où se sont installés les Premiers-Nés de la Terre, au commencement de Caevin. Nichée au creux de gigantesques arbres, qui compose un véritable écrin à la cité, Lebethrin est reliée au littoral de la Grande Mer Silencieuse par un long sentier, qui serpente dans des bois qui arboraient jadis un manteau d'or, mais qui murmurent aujourd'hui dans l'ombre des ténèbres. Autrefois aménagé en port de pêche, le littoral de la Grande Mer Silencieuse est délaissé depuis que le mal de l'Ombre s'est répandu dans ces eaux, à présent troubles. Lebethrin est elle-aussi déclinante, comme le pâle halo du Soleil qui s'éteint. Le cœur du peuple de Caevin s'est endurci, et il n'y a plus de place pour la quiétude d'une ville comme elle.

Au pied du lac d'Ereb, dominant la plaine, se dresse Eglayr, ancienne capitale du royaume, du temps où les confréries des Mineurs représentaient encore la plus haute autorité de Caevin. Depuis Eglayr, ils écoulaient leur marchandise, les outils et les armes qu'ils fabriquaient, mais surtout les gemmes, qu'ils exploitaient dans les caves sombres de la vallée des Anciens. La ville demeure prospère, bien qu'elle ait tout perdu de son pouvoir politique, maintenant que le roi siège à Rhûid.

Solide et éminente, l'imprenable citadelle de Rhûid, capitale royale de Caevin, défie, provocante, la fougue du volcan, sur les contreforts duquel elle est enracinée. Ouvrant sur la gorge soufrière de la Vallée des Anciens, elle est constituée d'imposants murs, dont les blocs sont faits de roche volcanique sombre, directement taillés dans le flanc des Montagnes de Soufre.
Au-delà de ses murs, la Vallée des Anciens s'étend sur des kilomètres. Paysage dénudé, où l'air sent le soufre, elle débouche sur les vastes bois qui marquent le début de la Marche, l'entrée du Passage Sombre. Le Vallée des Anciens, composées de vastes salles creusées dans des grottes naturelles, est à la fois un lieu de vie et de dynamiques mines, qui renferment les trésors des Temps Jadis.

Enfin, dans l'extrême ouest de Caevin, la Tour-Gardienne, Tirith, la forteresse de la Marche, est la porte de sortie du royaume de la Terre. À l'orée de la forêt, faite de pierres grises, elle est la dernière frontière avant les terres inconnues du bout du monde. Seuls des soldats en garnisons habitent Tirith, car les cauchemars y sont nombreux, et la nuit y semble infinie.

Peuple ☽

Plus que sur n'importe quel autre peuple, le temps et son usure ont eu de cruels effets sur les hommes de Caevin. À l'origine discret, réservé et calme comme la pierre qui dort, le peuple de la Terre est désormais un peuple indomptable et guerrier. Comme les montagnes et les arbres, il est inébranlable. Courageux et braves, ils ne craignent rien d'autre que mourir sans gloire.
Fier, attaché à sa terre et à son héritage, il est considéré par les autres royaumes comme orgueilleux, vindicatif et impétueux.

Mais si les hommes de Caevin, farouche, aime la guerre, le fracas de épée et le son du cor, s'ils s'emportent facilement, comme le volcan qui résonne, ils sont généralement d'une loyauté sans faille, et se montrent solidaire les uns avec les autres.
Ce sont également des travailleurs acharnés, qui oeuvrent des heures durant dans les mines ou dans les forges. Ils ne rechignent jamais devant l'effort.

Seulement, cette rudesse de corps est un indice d'une brutalité de cœur. Le peuple de Terre est amer, et fait difficilement preuve de compassion envers les personnes qui ne sont pas des leurs.
Rudes, leurs mots sont parfois aussi tranchants que leurs lames. Néanmoins, ils font preuve de justice et ignorent la méchanceté lorsqu'elle n'est pas « justifiée ».

Il subsiste encore quelques âmes plus douces, moins érodées, qui n'ont laissé la noirceur de la guerre les pénétrer. Peu nombreux, éparpillés dans le territoire, beaucoup de ces femmes et hommes ont trouvé refuge dans la sereine Lebethrin, où ils vivent à l'écart du tonnerre de Rhûid.

PV ☽

Rhavan Ningyar ▬ Roi de Caevin (Tom Hiddleston)
Elanor Ningyar ▬ Reine de Caevin, Dame d'Aranath (Caitriona Balfle)
Feawen Ningyar ▬ Ambassadrice de Caevin, sœur du roi (Saoirse Ronan)

BY .SOULMATES